Parole aux juniors : rencontre d'un Ingénieur pas comme les autres !

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Aujourd'hui, je vous propose de faire connaissance avec Romain, un jeune professionnel diplômé d’une école d’Ingénieur et travaillant dans le secteur de la Joaillerie. Je l’ai rencontré lors d’un afterwork organisé par l’APEC durant lequel il s’était présenté comme étant un profil atypique. Pourquoi l’ai-je-choisi ? Parce que son parcours était intéressant et qu'il avait une personnalité singulière, toujours à l’écoute de ses envies. Romain n’a pas peur de prendre des risques pour atteindre ses objectifs professionnels.

Dans un premier temps, histoire d'en connaître un peu plus sur toi, pourrais-tu te présenter en quelques mots (prénom, âge, parcours, métier) ?

Je m’appelle Romain, j’ai 28 ans. Après une classe préparatoire scientifique (mathématiques), je suis rentré à l’UTC, une école d’ingénieur durant laquelle j’ai suivi une filière unique en France destinée aux Ingénieurs et Designers industriel. Ce qui m’a plu c’est de pouvoir relier l’aspect technique de mon métier à l’aspect créatif. Passionné par la joaillerie et particulièrement la haute joaillerie, j’ai décidé de rejoindre Cartier en tant qu’assistant chef de projet sur le développement des pièces. Ensuite, j’ai eu deux expériences chez Chanel puis Hermès dans le domaine de la gestion de projet et le design 3D. Et maintenant, depuis 2 ans je suis designer et prototypiste 3D au sein de l’atelier Bouder qui travaille pour les grandes maisons de joaillerie.

Actuellement en poste, quelles sont tes principales missions ?

Je suis donc concepteur 3D en haute joaillerie (bijoux pièces uniques). Concrètement, je reçois des dessins de bijoux envoyés par les maisons de Luxe et je modélise ces pièces, c’est-à-dire que je crée en 3 dimensions les bijoux. Je les vois à l'écran sous tous les angles, tels qu'ils seront portés par leurs futurs propriétaires. Ces formes 3D prennent ensuite vie par la main des artisans (joailliers, sertisseurs, polisseurs). Je m’occupe également de l’impression 3D, une technique particulière qui permet d’imprimer les prototypes en différents matériaux (résine, cire).  

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta passion pour la joaillerie ?

Elle est née durant mon adolescence grâce aux différents voyages que j’ai pu faire avec mes parents. J’ai toujours ramené des souvenirs sauf que mes souvenirs à moi c’était des bijoux. J’ai une collection de bagues qui vient de différents pays comme par exemple le Maroc. Lorsque je portais ces bijoux, j’avais l’impression de partir à nouveau en voyage, de revivre ces excursions. C’était une façon de revivre toutes ces émotions, d’avoir un peu d’exotisme. Il y avait un grand aspect émotionnel et c’est ce qui a fait naître ma passion pour le bijou.
A partir de là, j’ai décidé de faire des dessins et de réaliser une première bague avec un diamant par un artisan joaillier à son compte que je connaissais dans mon quartier. Je m’en rappelle il m’avait dit : « Ta bague est super belle ! Si tu veux, tu pourrais travailler pour moi, tu me fais des dessins et je les mettrai en vitrine dans ma boutique ». Bon ça ne s’est pas fait parce qu’il est parti vivre à l’étranger quelques mois après. Mais ses propos ont provoqué quelque chose en moi, je me suis dit que peut-être cette passion pouvait se concrétiser.

Comment a évolué ta réflexion ? Quelles ont été les différentes étapes qui t’ont permis de faire le choix de relier ta passion à ton métier ?

Le choix s’est fait progressivement. Pour tout te dire, il y a eu plusieurs étapes : au début j’ai voulu être astrophysicien parce que j’étais passionné par l’étude des étoiles et de l’univers mais je me suis rendu compte que la réalité était toute autre : il y avait peu d’observation et énormément de calculs mathématiques. Puis, quand j'étais en classe prépa, j’ai voulu être pilote de ligne pour vivre dans le ciel ! Ayant échoué le concours de l’ENAC (Ecole Nationale de l’Aviation Civile) et ne souhaitant pas faire d’autres concours très coûteux, mon choix s’est finalement porté sur l’aspect créatif et le design industriel, toujours dans cette quête de l’émotion que peut créer l'usage d'un objet. 
Après quelques recherches, j’ai trouvé l’UTC une des rares écoles d’Ingénieur à former au design industriel. Puis c’est grâce à mon stage chez Cartier que je me suis dit : c’est décidé je travaillerai dans le secteur de la joaillerie. Pour tout te dire, j’ai tout fait pour décrocher ce stage ! L’UTC avait organisé une journée de job dating avec Cartier. Moi j’étais à ce moment-là aux Pays-Bas pour un semestre de cours. Malgré la distance, j’ai fait un aller-retour Pays-Bas/Compiègne en 48h pour rencontrer la RH de Cartier. Ça l’avait beaucoup marqué, d’ailleurs c’est ce qui a joué en ma faveur ! La joaillerie c’est le bon endroit pour moi car je peux utiliser des compétences d’Ingénieur tout en étant proche du processus de création du produit.

Tes périodes de recherche d’emploi ont été très courtes. Selon toi, qu’est-ce qui t’a permis d’obtenir des opportunités très rapidement ?

Oui grosso modo ma plus longue période de recherche d’emploi a été de 2 mois. Le fait d’avoir eu une expérience dans une maison de luxe mondialement connue comme Cartier ça été un vrai plus. C’est une très belle référence qui permet de postuler dans les autres maisons de joaillerie. Ensuite, je dirais que ma détermination et que ma passion pour le bijou ont été des facteurs déterminants puisque je me différenciais des autres Ingénieurs.

Te considères-tu comme un profil atypique ? Selon toi, est-ce davantage un atout ou un handicap ?

Je suis un Ingénieur Designer industriel avec une spécialisation en joaillerie, c’est un profil rare en Ingénierie. De plus, j’ai une compétence opérationnelle bien spécifique : la conception 3D. C’est une caractéristique d’un Ingénieur Mécanique mais je me suis orienté vers un domaine plus artisanal, c’est là où je me différencie des autres profils Ingénieurs plus classiques. A mon arrivée chez l’atelier Bouder on m’a demandé en plaisantant « qu’est-ce qu’un Ingénieur vient faire dans le domaine artisanal ? ». On a l’habitude de voir un Ingénieur créer des avions ou des voitures mais pas des bijoux. 





" Finalement, j’ai gardé la base technique de l’Ingénieur tout en composant avec ma passion pour la joaillerie. On pourrait me qualifier d’Ingénieur Artisanal (rires) "




Après le risque pour un profil atypique c’est de ne pas arriver à trouver sa place, par exemple dans mon cas pas assez technique ou pas assez artisanal. Je pense qu’un profil atypique en France fait plus peur aux grandes entreprises car elles ont besoin de profils très spécifiques pour des postes bien définis avec des diplômes très reconnus. Les profils atypiques seront plus appréciés dans les petites structures car il y a plus de marges de manœuvre. Mais en ce qui me concerne, ma passion a été un réel atout parce que cela ajoute un truc en plus à mon profil et non un décalage. Je pouvais parler en entretien de mon métier mais aussi de mon intérêt pour les bijoux et la création. Le fait d’être attiré par ce milieu, de connaître les marques, les procédés, ça pouvait faciliter mon intégration et ça les RH l’avaient bien compris ! D’ailleurs, j’ai pu mieux comprendre les intérêts de chacun, aussi bien du directeur technique que du dessinateur.

La question qui tue : peux-tu nous raconter ta plus mauvaise expérience avec un recruteur ?

J’ai eu de la chance, globalement je n’ai eu que des expériences positives. D’ailleurs une des expériences positives mais un peu bizarres que j’ai eues c’est un opérationnel qui m’a invité à déjeuner pour faire un entretien de recrutement. C’était hyper surprenant et original. Mais c’est également déstabilisant car il y a une part d’intimité lorsque l’on mange, il faut manger proprement, faire attention. J’en retiens une expérience intéressante.

Nouvelle question qui tue : à quelle question bizarre as-tu eu droit en entretien physique ou téléphonique ?

Là je ne vois pas trop à part peut-être une seule chose qui m’a marqué lors d’un entretien dans une grande maison de la place Vendôme, j’étais en train de parler des cours du soir que je suivais sur les techniques artisanales de fabrication de bijoux et un des opérationnels m’a dit « on n’en a rien à foutre de ce que vous faîtes à côté, nous ce qu’on veut c’est que vous soyez efficace ! ». Il voulait me déstabiliser, il était direct voire vulgaire ! J’ai vite compris que c’était uniquement pour me tester.

As-tu été accompagné par des professionnels des Ressources Humaines ou de ton domaine d'activité ? Si oui : as-tu bénéficié de conseils ? Quels ont été ces principaux conseils ?

J’ai été accompagné par des professionnels de la joaillerie et indirectement par un professionnel RH, il s’agit de mon père. C’était très pratique, il a pu vraiment m’accompagné lorsque j’en avais besoin. Il m’a aidé pour la rédaction et la mise en forme du CV, la mise en valeur de mon profil et de mes compétences. J’ai eu également de l’aide pour la préparation des entretiens : présentation, réponses aux questions types etc. Grâce à lui j’ai compris qu’il fallait clarifier ses envies, son projet professionnel tout en répondant à une attente. Il m’a aussi aidé à être prêt, déstressé pour les entretiens.

Justement en parlant de stress, peux-tu nous confier ton meilleur anti-stress ?

Je n’ai pas été tellement stressé puisque ma recherche d’emploi a été courte. Mais pour éviter le stress, je faisais du sport, de la course à pied et surtout de la natation parce que ça me détendait. Je pense qu’avoir une hygiène de vie correcte, faire du sport, bien manger et bien dormir avant un entretien ça aide.

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu aux chercheurs d'emploi ?

J’aimerais dire aux chercheurs d’emploi qu’il est important de tenir bon durant la recherche, de ne pas baisser les bras, d’aller jusqu’au bout pour trouver le bon poste. Ne soyez pas pessimistes, battez-vous, faîtes des candidatures spontanées. Je pense qu’il faut oser par exemple si vous trouvez une offre d’emploi où le recruteur demande 5 ans d’expérience, si vous vous en sentez capables et que vous êtes motivés par le poste alors allez-y au culot, postulez ! Il faut essayer de faire bouger les choses et agir en se disant je vais les pousser à me donner une chance
Sinon, je dirais qu’il ne faut pas non plus se jeter sur n’importe quel emploi car les premières expériences déterminent beaucoup la suite du parcours professionnel. En France c’est comme cela donc il faut bien y réfléchir.

Pour qu’il n’y ait pas de jaloux : cette fois-ci un conseil pour les recruteurs ?

Si les recruteurs pouvaient sortir de la lecture classique du CV avec la recherche de telle école, tel diplôme… Je trouve que le marché de l’emploi est à l’image des CV recherchés c’est-à-dire qu’il est trop carré, trop fermé. 




" Les recruteurs devraient peut-être s’intéresser davantage aux motivations, aux centres d’intérêts, à la personnalité des candidats "



Les entreprises ne saisissent pas forcément l’opportunité de s’entourer de personnes passionnées. C’est dommage parce qu’elles pourraient laisser exprimer les passions des salariés. Par exemple un salarié passionné par la photographie pourrait très bien faire des photos pour le site internet de l’entreprise au lieu de choisir un photographe professionnel. D’un côté le salarié se sentira mieux considéré et plus épanoui. D’un autre côté, ça pourrait accroître la motivation et la productivité des salariés donc c’est un plus pour les entreprises. 

A force de rechercher des gens qui rentrent dans des cases, on passe à côté de certaines personnes intéressantes. Les recruteurs devraient nous considérer en tant qu’humain, en tant que personne complète et non plus en tant que compétence X.

En t’écoutant, on a l’impression que tu es inspiré aussi bien par la raison que l’émotion. As-tu toujours recherché cette émotion dans ton travail ?

Oui tout à fait. J’ai toujours voulu travailler dans un secteur d’activité créatif et j’ai toujours été attiré par l’esthétique, c'est ce qui m’a orienté vers le design industriel à l'école. L’esthétique, l’art, me fait rêver, dégage des émotions en moi. Participer à la mise en forme des pièces de joaillerie, réaliser des modèles en prenant en compte des considérations esthétiques c’est ce qui me plaît ! C’est ce va-et-vient entre la technique et l’esthétique, la raison et l’émotion que je recherche et retrouve dans mon travail actuel !

Je te remercie Romain pour toutes tes réponses et te souhaite une très bonne continuation !


Et qu’en est-il aujourd’hui pour notre interviewé ?
Romain continue de travailler au sein de l’atelier Bouder en tant que designer 3D et prototypiste. Il s’y sent toujours aussi bien et vit pleinement sa passion pour la joaillerie !
Envie d’échanger avec Romain, retrouvez-le sur Linkedin ou envoyez-lui un petit mail en cliquant ici.


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2 commentaires :

  1. Moi ma vulgarité en entretien m'aurait bloquée même si c'est un test ! Ça montre pas une bonne mentalité ! Mais c'est tout à son honneur d'avoir dépassé ça !

    Portrait très sympa et original avec ce profil atypique ;)

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    1. Je te remercie Camille pour ton commentaire.
      Je pense tout comme toi que la vulgarité m'aurait bloquée voire même dégoutée de l'entretien et des recruteurs représentant l'entreprise. Mais il faut parfois mettre ses émotions de côté et mon interviewé l'a bien compris !

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