Ne tombez pas dans le piège de la Marque Employeur : l'exemple BVO





Il était une fois une jeune femme. Elle s'appelait Rosaline. Pour des raisons de confidentialité, le prénom a été changé.

Rosaline était une jeune professionnelle. Son domaine c'était les Ressources Humaines. Elle était chargée de recrutement. Elle n'a jamais rêvé de faire ce métier quand elle était jeune. Certaines choses lui plaisaient dans les RH, d'autres moins. En réalité, elle alla où le vent l'emmenait. Et ce vent la ballotta entre période d'activité et période de chômage.
A gauche. Puis à droite. De nouveau à gauche. Encore à droite. La voilà arrivée à une nouvelle destination. C'était la belle inconnue. Qu'elle connaissait si bien.
Grâce à Internet, elle trouva un nouveau CDD de quelques mois. Un poste de chargée de recrutement. Un grand groupe international. De nouveaux collègues de travail. Un nouvel environnement...

Rosaline : "Ahh ça a l'air sympa. Je vois des visages heureux sur le site internet du Groupe. Je vois des photos de soirées et d'afterworks sur leurs réseaux sociaux. En plus, l'entreprise est engagée dans une démarche RSE. Ohh j'ai hâte de démarrer cette nouvelle expérience !"

Rosaline n'était pas seule. Elle vivait avec une petite voix intérieure. Cette dernière parlait matin nuit et jour. Son prénom c'était Conscience. Joli comme prénom.

Conscience : "Rosaline ça a l'air chouette tout ça. Mais moi je me méfierais, ça sent un peu le brulé, un peu le caca. Ou les deux à la fois ! Tu trouves pas ça bizarre qu'il n'y ait aucune info sur les équipes internes ? Aucune info sur les politiques RH ?"

Oui Conscience n'a pas le langage très fin. Zéro filtre. Les règles de vie en société ? Le jeu social ? Aucune idée de ce que c'est. Elle reste tout de même sympa. En plus, elle ne dit pas que des bêtises...


Episode 1
L'habit ne fait pas le moine. 
Mais dur de reconnaître un moine sans sa toge...



Août 2017, embarquement sur un nouveau bateau ! Rosaline fut rapidement embauchée pour faire du sourcing et du recrutement au sein de BVO. Grand Groupe très connu du secteur des études et des sondages Marketing. Rosaline travailla au sein d'une filiale : BVO Secret Shopping. Une filiale uniquement spécialisée dans les enquêtes "client mystère". 

La mission de Rosaline ? Sourcer et recruter un max de clients mystère par semaine. Vous savez les personnes qui se font passer - avec zéro discrétion - pour des clients dans les magasins, salons de coiffure, restaurants etc. Alors qu'en fait, ces personnes sont là pour évaluer la qualité du service client, voir si le lieu est propre... En gros, elles sont payées pour se faire passer pour de vrais clients !

Premier jour de travail : Rosaline fut accueillie par une Happiness officer. Très enjouée. Hyper dynamique. Etait-ce naturel ? Etait-ce son masque professionnel ? Peu importe pour Rosaline. Son grand sourire allait de pair avec le décor du hall d'accueil. Des canapés design, des tapis de couleur pétante, de belles plantes, un énorme écran de télévision au dessus d'une Playstation, Rihanna en fond sonore... Rosaline s'y sentit bien. Ne dit-on pas que la première impression est la bonne ? 


Bienvenue chèr(e) salarié(e) ! "Coolitude", fun et confettis à gogo !


Après plusieurs poignées de main, des sourires, des welcome à la pelle, la jeune femme découvrit son bureau.

Conscience : "T'es sûre que tu es toujours dans la même entreprise ? Par rapport au hall d'accueil, c'est le jour et la nuit. Le contrat du designer a été arrêté avant son terme ou quoi ?". 
Conscience aime l'humour cynique. C'est son petit plaisir.

Aussi grise soit la moquette, aussi austère soit le mobilier, aussi étroit soit le bureau regroupant 8 personnes, Rosaline s'installa et se mit à la tâche. Durant des semaines, sa messagerie Outlook et son téléphone allaient devenir ses meilleurs amis !

Notre personnage fit connaissance avec ses nouvelles collègues de travail. Elles venaient d'être également embauchées. Pour faire du recrutement. Vint au cours de la journée un petit point de présentation de la part d'une chargée de recrutement plus expérimentée. Le moment d'évoquer le Groupe BVO, le fonctionnement au sein de la filiale BVO Secret Shopping, les outils de recrutement, la culture d'entreprise, le réglement intérieur, les horaires de travail... Elle en oublia même de parler des points administratifs et juridiques liés aux contrats de travail. Nous l'avons nommé Laurie.

Laurie : "Voici vos contrats de travail. Lisez-les bien. Vous pouvez me donner un exemplaire signé ce soir"

Collègue innocente : "C'est bien un CDD de 4 mois dont il était question. Pourquoi y a-t-il marqué 1 mois sur ce contrat ?"

Laurie : "Ahh oui.. Hum. C'est parce que ce sont des contrats d'usage. Nous ne pouvons pas faire des contrats plus longs. Donc chaque mois, je vous fais signer un nouveau contrat"

Conscience : "Non mais c'est quoi cette histoire ? C'est un gag ? Est-ce que c'est légal son truc là ? Et si c'est vraiment légal, pourquoi elle ne l'a pas dit plus tôt ?"

Rosaline : "Si elle me l'avait dit il y a quelques jours au téléphone. Par contre, elle n'a pas passé le mot aux autres chargées de recrutement... Etrange."

Conscience : "La transparence c'était pas une de leurs valeurs sur leur site internet... ?!"

Rosaline : "Par contre, je ne comprends pas. Il y est indiqué chargée de terrain sur mon contrat au lieu de chargée de recrutement."

Collègues innocentes : "Ah oui ! Nous aussi !!"

Laurie : "Euh...oui c'est vrai. Je ne sais pas pourquoi c'est comme ça. En tout cas, je sais que ça ne change rien pour vous. On a toujours proposé ces contrats comme tels aux chargés de recrutement. Mais je vais voir auprès de la Responsable RH si l'on peut modifier les intitulés sur vos contrats de travail".

La chargée de recrutement expérimentée répéta que ce n'était pas grave. Du moment que le bon montant de rémunération figurait sur le contrat. Peut-être que ça ne dérangerait pas Laurie de recruter une chargée de marketing avec une expérience au sein de l'INSEE. Puis au moment de vérifier ses documents de voir la mention "télé-enquêtrice" sur son contrat de travail de l'INSEE. 

- Le scénariste de cette histoire nous confirme que ça dérangerait bien Laurie...  - 

Conscience : "Un employeur qui embauche une personne pour un poste précis et qui donne un contrat de travail avec un autre poste que celui effectué... Il y a de quoi s'interroger ! La transparence c'est la base de toute relation professionnelle. En faisant cela, l'entreprise envoie le message suivant : ne comptez pas sur moi pour vous dire la vérité ! Qu'est-ce que t'attends Rosaline pour quitter rapidement le navire ? "

Rosaline : "J'ai besoin de cette nouvelle expérience profesionnelle. C'est toujours bon à prendre pour mon CV. Tu crois que les recruteurs aiment les chômeurs de longue durée ? Puis j'ai aussi besoin d'argent. Bon tais-toi maintenant ! Laisse moi travailler !".


Episode 2
Marque Employeur : réalité uniquement virtuelle ?



Trois semaines de travail passèrent. Chaque jour, Rosaline se plongea un peu plus dans son travail pour atteindre ses objectifs de recrutement. 

Rosaline : "Yes ! Encore un client mystère recruté pour la mission en agence bancaire".

Ce plongeon quotidien dans ses dossiers lui permettait de se créer une bulle. Une bulle emplie d'optimisme, d'empathie, d'encouragement. Cette bulle contrastait avec l'environnement hypocrite et froid dans lequel elle travaillait. La froideur était subtile. Pas de mots trop fort. Pas d'engueulades. Pas de harcèlement. Pas de mise au placard. Non, ne soyons pas aussi abrupts. 


L'ambiance s'est rafraîchie dans ce bureau. Vous ne trouvez pas ?

Rosaline se demanda si les photos de l'entreprise aperçues sur les réseaux sociaux étaient bel et bien vraies. Elle ne retrouva pas l'ambiance chaleureuse qui se dégageait des afterworks et des soirées endiablées sur Internet.

Où te caches-tu, ma petite Happiness Officer ? C'est le moment de sortir de ta cachette !

Conscience : "Il y a toujours une différence entre la théorie mielleuse et la dure réalité. Réveille-toi : c'était du marketing pur et dur !"

Rosaline : "Chut ! Ne sois pas aussi intransigeante ! Les gens ne peuvent pas toujours nous dire bonjour ou nous adresser un sourire. Ils sont juste concentrés dans leur travail. D'ailleurs ils sont là pour ça. Travailler !"

Conscience : "Alors n'édulcorons pas la réalité. Si les salariés ne sont pas aussi happy que Pharrell Williams alors l'entreprise n'a pas besoin de montrer 4000 photos de salariés contents, ouverts à l'échange, à l'aise, hyper coopératifs lorsque c'est tout le contraire. Si l'ambiance au travail est le point noir de cette entreprise, rien ne sert de travestir la réalité pour la mettre en avant sur les réseaux sociaux. La Marque Employeur ce n'est pas un piège à pigeons !"

Conscience : "La Marque Employeur c'est comme un cliché Polaroid à un instant T. Une photo de l'entreprise à un moment précis. La Marque Employeur doit refléter la réalité. Les points positifs et négatifs doivent rester sur la photographie !"


Marque Employeur : pas de retouche Photoshop possible !


Conscience a parlé. Elle a ce goût amer dans la bouche. Parce qu'elle voit ce que Rosaline voit autour d'elle chaque jour :


  • Du stress de la part des salariés. Surtout pour les chargés de terrain qui s'occupent des réservations et annulations, des démarches administratives et des résolutions d'incidents sur chaque visite mystère. Autant vous dire que ça fait énormément de travail en flux tendu.
  • Un déficit de communication entre les services. Et au sein de son propre service. S'asseoir autour d'une table était devenue une perte de temps. Comme si partager l'info aux membres de son équipe ne servait à rien. Comme si créer des moments d'échanges étaient contreproductifs.

Rosaline observa chaque jour sa N+1, la responsable de l'équipe Sourcing. Son management était à l'image du néant. Un inconnu aurait pu la prendre pour une secrétaire. La manager semblait ne pas aimer le management. Elle organisait un point d'équipe tous les 2 mois. Elle donnait très peu de feedback sur le déroulement des visites mystère. Elle ne donnait aucun mot d'encouragement. Elle ne créait pas d'esprit d'équipe. Pire, elle ne disait pas tout le temps bonjour. 

Conscience : "Maintenant, je comprends mieux pourquoi les équipes RH ne sont pas mises en valeur sur le site internet. Je me demande si les autres RH au sein de BVO se comportent comme ça...."

Rosaline : "Je ne pense pas. En tout cas, ça vient confirmer ce que les gens pensent des RH et des managers. C'est dommage..."

Conscience : "De toute façon, rien ne sert de montrer sur le site internet tous les membres RH, tous les salariés etc. Si j'étais consultante en Marque Employeur, je conseillerais à BVO de présenter les différentes étapes du processus de recrutement sur leur site Corporate. Je leur conseillerais de donner la parole, sous forme de mini-interview, au DRH et à plusieurs salariés. Histoire d'illustrer la pluralité des opinions et de le partager aux candidats. Je présenterais également les politiques RH de l'entreprise : intégration, évaluation, formation. Si elles existent bien sûr ! Une Marque Employeur mensongère c'est très mauvais. Avec Glassdoor et compagnie, les salariés n'hésiteront plus à partager leur mauvaise expérience. D'ailleurs, tu devrais le faire Rosaline !"

Rosaline : "Humm je n'sais pas. Peut-être... J'hésite. Je verrai bien avec le temps si j'ose."


Episode 3
Une femme prénommée Humanité est recherchée depuis 6 semaines...



BVO Secret Shopping est une entreprise qui se comporte comme une enfant. Elle arrive toujours à creuser plus bas. L'histoire ne s'arrête pas là pour Rosaline.

La sonnerie se mit à retentir. Dring. 11 heures. C'était l'heure de la récréation pour Rosaline et ses collègues de travail. Le moment était venu de faire une pause. Les jeunes élèves pouvaient enfin se dégourdir les jambes, prendre une collation, papoter entre filles.

Rosaline : "Alors les filles vous allez faire quoi ce week-end ?"

1ère collègue innocente : "Je vais au cinéma avec des amies."

2nde collègue innocente : "Moi rien de spécial. Me reposer et passer du temps avec ma fille".

Rosaline : "Moi aussi je vais me reposer. Et surtout je vais continuer ma série Scandal".

1ère collègue innocente : "Scandal ? C'est quoi comme série ? Je ne conn..."

Robot BVO : "Driiiiiiiing Driiiiiiiing Driiiiiiiing. La pause est terminée. Je répète la pause est terminée. Veuillez retourner dans vos espaces de travail immédiatement ! Je répète la pause est TERMINEE".

10 minutes de pause. Début : 11 heures. Fin : 11h10. Pas plus. Rosaline et ses collègues de travail n'auront droit qu'à 10 petites minutes de pause. Chaque matin à 11 heures précises. Tous les jours. Aucun écart n'est toléré.

  • Un coup de fil important à passer ? Le robot BVO lui répéta : attendre 11 heures.
  • Un mal de crâne ? Robot BVO : Attendre 11 heures
  • Besoin de reposer ses yeux et de les mettre loin de l'écran ? Robot BVO : Attendre 11 heures.
  • Une envie de gérer son propre temps toute seule ? Même réponse du robot BVO : Attendre 11 HEURES !


Le temps c'est de l'argent. Ne le gaspille pas à vivre ta vie, disaient-ils...


Derrière la voix du robot se cacha celle du management de BVO Secret Shopping. Rosaline n'avait aucun pouvoir de décision sur son temps de pause. Aucune possibilité de prendre sa pause lorsqu'elle le souhaitait. Aucune possibilité de prendre 10 minutes supplémentaires. Rosaline pensait rencontrer un management cool, à l'écoute et humain. A l'image du site internet.

Conscience : "On n'est pas à l'école, on est en entreprise ! Il n'y a pas plus inhumain que de dire au salarié mange à telle heure, prends ta pause déjeuner à telle heure. Et pourquoi pas vous imposer une heure précise pour la pause pipi tant qu'on y est ?! Non mais on est où ?! Cette entreprise vous traite comme des machines avec un management infantilisant et abject ! Super top comme Expérience collaborateur. Allez ! Venez tous travailler chez BVO ! Rosaline : tire-toi !"

Rosaline quitta BVO Secret Shopping au terme prévu. Elle resta 4 mois au sein de l'entreprise.
Aujourd'hui, elle regrette de ne pas avoir écouté sa petite voix intérieure Conscience. A croire qu'elle parlait comme une RH qui lui voulait du bien...
Pendant ce temps, le Groupe BVO a un nouveau site internet. Avec des salariés encore plus heureux qu'auparavant. Et plus de 45 années de fun comptabilisées sur le site internet. L'entreprise se construit toujours une Marque Employeur positive et attractive.
Pendant ce temps, BVO s'est même dôtée d'une Directrice de l'Expérience Salariée.
Pour faire joli sur le net. Logique de Marque Employeur 2.0.


Clap de fin !


Cette histoire est inspirée de faits réels. Cependant, les situations et personnages décrits sont purement fictifs. Ou pas... Réalité ou fiction ? A vous de voir...






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8 commentaires :

  1. A quand une adaptation au cinéma ?! :D

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  2. oui il manque plus que le pop corn XD ;)

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  3. Je viens de taper BVO et discrimination sur le moteur de recherche.

    ô surprise !

    J'ai aussi trouvé une vidéo intitulée "Quand BVO caricature les noirs". Même quand t'es blanc tu trouves ça gênant.

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    1. En effet j'ai vu cette vidéo sur Youtube.. Je n'ai pas trop compris pourquoi il y avait le logo de l'entreprise à la fin de la vidéo...

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  4. Pour le logo de BVO ? parce que ce sont des hauts cadres de cette entreprise.

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